Bienvenue dans ce nouvel article. Aujourd’hui, je vais vous parler d’un sujet assez particulier, peu connu du grand public et pourtant presque omniprésent dans le monde des troubles du comportement alimentaire, qui est les communautés pro-Ana et pro-Mia.
Avant de commencer cet article, je souhaite vous informer que j’aborde un sujet sensible aujourd’hui. Certains faits que je vais citer pourraient peut-être vous choquer selon votre degré de sensibilité donc je vous prierais d’arrêter votre lecture si, à un moment donné, vous sentez que c’est trop dur pour vous.
Ce n’est plus un secret pour personne. Si vous lisez régulièrement mes articles ou si vous me suivez sur mon podcast ou Instagram, vous savez que j’ai souffert d’anorexie et de boulimie pendant 12 ans de ma vie. Sauf si vous êtes nouvelle et que vous venez de découvrir le blog, je pense que vous êtes au courant ! Bien évidemment, je ne vais pas revenir sur mon histoire. Pour cela, je vous renvoie vers l’épisode 37 du podcast ou dans cet article de blog dans lequel je vous explique exactement ce qu’il s’est passé, de ma descente aux enfers des TCA jusqu’à ma guérison, je vous détaille tout. Rendez-vous ci-dessous pour écouter l’épisode 37 du podcast ou cliquez ici pour lire l’article si ce sujet vous intéresse.
Dans cet article, je vais plutôt m’attarder sur un phénomène dont je n’ai justement pas parlé dans l’épisode 37. À regret d’ailleurs, je me suis dit que j’aurais dû y penser ! Et en même temps, j’ai hésité à vous faire cet article parce que j’avais peur que cela incite certaines personnes qui ne connaîtraient pas les communautés dont je vais parler à se renseigner dessus et à tomber dans le panneau. Donc j’étais assez mitigée sur : est-ce que je le fais ou est-ce que je préserve les personnes sensibles et à risque ?
Finalement, j’en suis venue à la conclusion d’en parler quand même pour justement faire de la prévention, signaler ces communautés dangereuses, et vous encourager à ne surtout pas les rejoindre ! Je m’adresse évidemment aux personnes souffrant de TCA motivées à s’en sortir, et en disant cela, je suis aussi bien évidemment consciente que certaines personnes non guéries utiliseront malheureusement peut-être cet article pour se renseigner et rejoindre ces communautés. Mais très honnêtement, je pense qu’il en est de la responsabilité de chacun à un moment donné. Je ne fais que mon “devoir” d’information en vous parlant de ces communautés et je pense aussi que, d’une manière ou d’une autre, les personnes qui ne sont pas prêtes à guérir sauront se renseigner là où il faut pour arriver à leurs fins, que ce soit à travers cet article ou d’autres sources.
Là encore, au risque d’insister, je vous prie de ne surtout pas rejoindre ces communautés pro-Ana et pro-Mia. Si vous savez que vous êtes susceptible de vous laisser influencer, ayez le courage de ne pas aller vous renseigner, et si vous sentez que cet article de blog pourrait vous tenter d’en savoir plus, ayez la sagesse d’arrêter de le lire, c’est préférable. Ceci dit, à titre d’information et surtout de prévention, je fais cet article pour vous éviter les risques de dérives quand on est sujette aux troubles des conduites alimentaires.
Ana et Mia : des communautés qui prônent la maigreur
Les communautés pro-Ana sont nées en 2001. Elles sont représentées par des personnes qui se revendiquent être anorexiques ou qui aspirent à l’être. De par cette revendication, les victimes ne se rendent pas compte que l’anorexie est une maladie, mais elles la considèrent comme un style de vie permettant d’apporter le bonheur grâce à la maigreur. Pour se motiver, les victimes vont créer des blogs, des forums, des canaux privés pour échanger entre elles et se comparer. On comprend bien sûr qu’il s’agit d’un mouvement hyper toxique incitant de jeunes (parfois très jeunes !) femmes à devenir maigres dans l’espoir d’être heureuses.
Selon une étude du CAIRN, les auteurs de l’article ont recensé 107 blogs pro-Ana entre 2008 et 2009 tenus par des jeunes femmes qui avaient entre 12 et 18 ans. Cela montre à quel point les jeunes générations sont touchées et combien il est important de faire de la prévention, chacun à son échelle !
Les communautés pro-Ana sont liées au mouvement Thinspiration (qu’on appelle aussi Thinspo) qui consiste à se motiver à maigrir par tous les moyens, y compris par des moyens dangereux. Les personnes qui suivent ce mouvement se motivent notamment en regardant des photos de personnalités publiques maigres ou qui ont perdu beaucoup de poids.
Les communautés pro-Mia sont fondées exactement sur le même principe, à la différence qu’elles concernent les victimes de boulimie, et notamment de boulimie vomitive. Je rappelle que l’objectif premier de ces deux communautés est de promouvoir la minceur, que ce soit en se privant de manger ou en utilisant des techniques compensatoires comme les vomissements ou les laxatifs, par exemple.
J’en ai fait partie au début de la maladie. J’avais découvert ces communautés sur Tumblr. C’était une période où, bien sûr, j’étais complètement ignorante et dans le déni de mes troubles alimentaires, et cela n’a pas aidé ma guérison. Au contraire, cela a aggravé mon cas !
Je vais vous expliquer dans un instant, dans les grandes lignes, les commandements des communautés pro-Ana et vous donner quelques exemples de “faux conseils” qu’on est amenée à suivre en tant que membre d’une communauté pro-Ana. Par simplicité pour cet article, je vais me contenter de parler des pro-Ana car ce sont les plus connues et vous comprendrez bien sûr que l’idée est identique chez les communautés pro-Mia, à la différence qu’il s’agit de personnes boulimiques. L’idée est avant tout de faire de la prévention, pas de vous énumérer tous les commandements de ces communautés donc je pense que l’exemple des pro-Ana sera bien suffisant.
Pourquoi adhère-t-on à ces communautés sectaires ?
On pourrait presque dire que les communautés pro-Ana et pro-Ana sont construites sur le modèle d’une secte, c’est-à-dire que dès lors que vous intégrez la communauté, on vous donne le sentiment d’être quelqu’un de spécial ! Il ne faut pas oublier non plus que les communautés rassemblent et que c’est un besoin viscéral et inhérent à la nature humaine que de se sentir inclus dans un groupe. Ces communautés sont donc un parfait appât pour des jeunes femmes en détresse, qui se sentent seules, pas aimées et qui n’ont personne à qui se confier. Ce genre de personnes est la cible idéale. De plus, une fois dans la communauté, chaque membre agit pour l’élaboration d’un même but, d’un but commun et en réponse à une même doctrine (en l’occurrence, maigrir) et on s’encourage les uns les autres. Donc il y a un effet boule de neige où chacun va renforcer les croyances de l’autre et s’enfoncer davantage !
Au-dessus de cette idée de doctrine et d’apologie de la maigreur, il y a le “gourou”. Chaque secte possède son gourou et dans les communautés pro-Ana et pro-Mia, le gourou c’est Ana et Mia. Bien que ces personnages n’existent pas pour de vrai, on retrouve vraiment un côté personnifié lorsqu’on visite des blogs de membres.
Il y a une phrase de bienvenue assez connue dans le milieu qui cite Ana en disant : “Salut, moi c’est Ana. Toi et moi, on va devenir très proches. Nous serons les meilleures amies du monde. Mais pour cela, tu dois faire exactement ce que je te dis.”
Même si le gourou n’existe pas en tant que tel, on peut quand même s’imaginer cette entité Ana qui nous surveille. D’ailleurs, on peut encore retrouver sur certains sites “Les lettres d’Ana”. Il n’y en a plus beaucoup aujourd’hui mais imaginez-vous il y a 10 ans avant les sanctions qui ont été mises en place ! Quand j’étais en plein dedans, on en trouvait beaucoup plus.
On ne saura certainement jamais qui les a écrites, une pro-Ana, c’est certain ! Mais c’est vrai qu’on peut lire des choses édifiantes dans ces lettres qui personnalisent vraiment l’entité Ana et lui donne une place de “meilleure amie” dans votre vie. Je vous donne un exemple extrait d’une lettre : “Je suis ta meilleure amie et si tu manges, tu me laisses tomber et tu me trahis ! Si tu manges, ça prouve à quel point tu n’as aucun contrôle de toi-même. Cette douleur dans ton estomac c’est moi, et grâce à cette douleur je fais fuir la graisse. Quand tu te sens vide, ça signifie que tu es vide de tout péché.”
Les 10 commandements d’une pro-Ana
- Si tu n’es pas mince, tu n’es pas attirante.
- Être mince est plus important qu’être en bonne santé.
- Tu dois t’acheter des vêtements étroits, couper tes cheveux, prendre des pilules diurétiques, jeûner… Faire n’importe quoi qui puisse te rendre plus mince.
- Tu ne mangeras point sans te sentir coupable.
- Tu ne mangeras point de nourriture calorique sans te punir après coup.
- Tu compteras les calories et tu restreindras tes apports.
- Ce que dit la balance est le plus important.
- Perdre du poids est bien / en gagner est mauvais.
- Tu ne peux jamais être trop mince.
- Être mince et ne pas manger sont les signes d’une volonté véritable et de succès.
Je vous laisse méditer sur la dangerosité de ces mauvais conseils. Je préfère en parler dès maintenant dans cet article car, une fois que les croyances sont ancrées, il est vraiment difficile de s’en défaire. Je le vois au sein du programme T.C.A, le changement de paradigme est difficile parfois tellement on est bloquées sur des croyances qui nous desservent et nous rendent malheureuse.
Évidemment, dans le programme, on va s’attacher à dissoudre ces fausses croyances pour en inculquer de nouvelles. Par exemple, on va apprendre à décorréler la beauté du poids, à se trouver belle et s’aimer telle qu’on est, à mettre sa santé en priorité car sans elle, vous ne faites rien ! J’accorde une grande importance au fait qu’on ne mange pas pour grossir, mais pour se nourrir et au fait que la volonté et le courage véritable, ce n’est pas de maigrir toujours plus, c’est d’affronter ses émotions sous-jacentes pour arrêter de subir sa vie et enfin se lever chaque matin avec de l’inspiration et de la gratitude. En tous cas, pour moi, c’est cela le succès : c’est se lever sans se poser de questions sur ce qu’on va manger (ou éviter de manger !), sur combien d’heures de sport on va faire. Pour moi, le succès, c’est de se lever en étant en paix avec soi-même.
Les faux conseils pour être une “bonne pro-Ana”
Les blogs de pro-Ana recensent plus de 50 conseils dangereux pour maigrir et des phrases complètement absurdes quand on y pense comme “Tu pourras marcher dans la neige et ne laisser aucune trace de pas”. On vous cite les bénéfices comme : “Tu maîtriseras ton estomac, tandis que d’autres sont esclaves de leur faim.”, “Tu seras capable de te mettre en bikini et d’être fière.” ou “Les gens te féliciteront sur la quantité de poids que tu auras perdue ; ceux qui ne le feront pas sont jaloux.”
On vous donne également des astuces pour éviter de craquer sur la nourriture comme boire beaucoup d’eau, enfiler des vêtements trop petits ou fumer une cigarette. Je vous laisse, encore une fois, constater par vous-même l’absurdité et la dangerosité des messages véhiculés.
Les bracelets rouge et violet
Les bracelets servent à ce que les membres des communautés puissent se reconnaître. C’est aussi et surtout une façon de s’identifier au groupe, de se sentir fière et de se rappeler de ne pas renoncer à son objectif de perte de poids dans les périodes difficiles. Le rouge correspond aux pro-Ana et le violet aux pro-Mia. Il existe aussi des bracelets d’autres couleurs, comme le bleu pour les personnes hyperphagiques ou en surpoids ou encore le noir pour les victimes d’auto-mutilation, mais je ne rentrerai pas dans les détails.
Généralement, on porte le bracelet au poignet droit. Ce qui est absolument effrayant, c’est qu’on en trouve sur des sites très connus (je ne citerai pas de nom) et qu’il est donc très facile de s’en procurer un, ou de se le fabriquer.
Je porte ici un message à l’entourage des personnes victimes de TCA. Si vous avez des doutes quant au comportement alimentaire d’une personne et que vous notez le port d’un bracelet, rapprochez-vous d’un thérapeute ou d’un centre spécialisé pour que cette personne puisse être prise en charge. C’est véritablement un sujet très grave dont le nombre de personnes touchées est sous-estimé.
Comment ai-je pu me sortir de ces sectes ?
Je n’ai pas réussi toute seule. Je me suis fait aider. Lorsque j’étais malade et que j’avais perdu beaucoup de poids (j’avais perdu environ 12 kg et comme je suis petite, cela se voyait bien), mes parents avaient remarqué que je portais les bracelets rouge et violet à mon poignet droit. Je me souviens que ça avait interpellé ma mère qui avait cherché ce qu’ils signifiaient, et c’est comme ça que mes parents ont découvert les communautés. J’étais suivie de près par une psychologue et une diététicienne-nutritionniste que je voyais une fois par semaine, et cette double-thérapie a duré plus d’1 an.
En fin de compte, je dois avouer que personne ne m’avait forcée à retirer mes bracelets et que cela m’avait bien aidée. Pourquoi ? Parce que je les ai retirés moi-même le jour où je me suis sentie prête. Ce jour-là, c’était le jour où j’ai décidé de changer de camp, de me battre pour moi et contre la maladie, et non plus le contraire. C’était donc un élan qui venait de moi !
Heureusement, le suivi psychologique et nutritionnel m’ont été d’une aide inestimable et sans ces accompagnements, je n’aurais certainement pas eu ce déclic. Mais je pense que tout l’art de la thérapie, et c’est ce que je reproduis à mon tour à travers ce que j’enseigne notamment dans mon programme T.C.A, c’est de ne pas contraindre mais de donner envie à la personne de le faire. La guérison, vous vous la devez à vous-même. Personne ne doit vous guérir, on peut vous motiver mais personne ne peut vous guérir. C’est votre part du travail et tout l’art est de vous transmettre cette impulsion, cet élan de faire votre part du job !
Au moment où j’ai retiré mes bracelets, je savais que j’étais inarrêtable. Le moment où tu réalises que t’étais en train de faire une énorme connerie jusque-là, que tu te réveilles et que tu te décides d’arrêter une bonne fois pour toutes, tu es inarrêtable. Bien sûr, le chemin de la guérison a été long, encore plus long que la période de maladie elle-même donc il en faut du courage, il faut un sacré courage pour accepter les défaites, les rechutes et se relever quand même ! Mais même si c’était dur, j’ai toujours persisté à croire qu’un jour, ce serait fini. Que la maladie ne serait plus mon quotidien. Elle pouvait tenter de revenir, elle a tenté de revenir plusieurs fois. Parfois je tenais bon, parfois je craquais et je retournais dans mes vieux schémas, mais ça ne m’a jamais enlevé cette foi que j’avais que je m’en sortirais. Quand tu résonnes comme ça, tu es inarrêtable. Et tu finis par t’en sortir, c’est une certitude.
Aujourd’hui, les sites qui revendiquent les “faux conseils” donnés par les pro-Ana et pro-Mia ont été interdits. Malheureusement, même si un grand nettoyage a été fait, il en reste encore de nombreux sur internet. On voit encore de nombreux posts Thinspiration qui est le condensé de Thin et Inspiration, qui signifie “inspiration pour devenir mince”.
On arrive à la fin de cet article, j’espère qu’il vous aura sensibilisée quant à l’existence des communautés pro-Ana et pro-Mia. Les troubles des conduites alimentaires sont des maladies graves, qui peuvent parfois coûter la vie, et il est vraiment inacceptable qu’on puisse en faire l’apologie et entraîner des personnes dans sa souffrance à travers des contenus de type Thinspiration.
Si vous êtes touchée par les troubles du comportement alimentaire, je vous souhaite de tout cœur d’avoir la sagesse et le courage de vous faire prendre en charge, que ce soit par moi-même ou par un autre thérapeute. L’important est que vous vous adressiez à la personne qui résonne pour vous. Enfin, si vous connaissez une personne atteinte de troubles des conduites alimentaires, n’attendez pas pour vous renseigner. Je sais qu’on peut se sentir démuni lorsqu’un proche est touché, on ne sait pas comment lui en parler, comment l’aider, la communication est très souvent difficile. Mais il est possible de faire quelque chose, à votre échelle, tout simplement en renvoyant la personne vers une aide adaptée.
Merci à toutes pour votre lecture. Je vous souhaite une très belle semaine. Prenez bien soin de vous.
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